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Libération
Interview

«Je me souviens de Jean Valjean»

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Rencontre avec Vassilis Alexakis
Portrait de Vassilis Alexakis, écrivain gréco-français, à Paris, le 10 octobre 2012. (Photo Edouard Caupeil pour Libération)
publié le 24 octobre 2012 à 19h07

Vassilis Alexakis apparaît presque par enchantement à la buvette des marionnettes du jardin du Luxembourg. Il y a presque deux ans, la même silhouette, mais fragilisée par une grave opération de la jambe, déambulait lentement, béquilles aux poings et nez au vent. Le convalescent avait trouvé un refuge momentané dans un hôtel à proximité pour s'éviter les affres d'un cinquième sans ascenseur. De longues journées à tirer dans les allées du jardin, après un choc majeur. A la fin d'une conférence à Aix-en-Provence, l'écrivain s'est retrouvé terrassé par des douleurs terrifiantes. «Voyez comme la littérature ne lâche pas», s'amuse-t-il rétrospectivement. Le billard, quinze jours en parenthèse hospitalière, deux mois clopin-clopant de l'hôtel vers la rue de Fleurus et le Luxembourg. Un arrêt forcé, propice aux réminiscences et à l'observation. Planait l'ombre d'un enfant grec jouant jadis dans un autre jardin, celui de Callithéa, à Athènes, bien plus modeste avec sa poignée d'arbres, sa remise et son poulailler.

L'entrée en scène pourrait passer pour nostalgique. Mais Alexakis, 68 ans, ne s'appesantit guère sur les souvenirs ou les regrets. Ses premiers pas de jeune boursier en France, gare de Lyon, après avoir mis trois jours pour venir d'Athènes, le font encore rire. Il est midi. Un individu lui demande l'heure. L'exilé qui débarque lui répond du tac au tac : «Il est minuit.» «Mais non monsieur, minuit, c'est l'heure du crime», lui répond l'autre. Un dé