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Libération

Beyrouth sauvage

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Le cahier Livres de Libédossier
publié le 31 octobre 2012 à 19h06

En début de semaine, une partie de l’Académie Goncourt s’est transportée au Liban afin d’honorer de sa présence le Salon du livre francophone de Beyrouth. Mardi, lors d’un déjeuner mémorable à la pizzéria Al-Walid, sur la corniche Mazraa, les jurés ont tenté de réduire à quatre le nombre de romans dans leur ultime sélection. Les délibérations ont été plus mouvementées que chez Drouant : la pizzéria Al-Walid se trouve en bordure du quartier sunnite de Tariq el-Jdidé où, depuis une dizaine de jours, bandes armées et militaires échangent volontiers quelques tirs de fusils d’assaut.

Didier Decoin, secrétaire général de l’Académie Goncourt, a tenu de ce séjour beyrouthin un journal dont nous publions en exclusivité un extrait.

«Mardi 13 h 30. Tahar Ben Jelloun vient d'être abattu d'une rafale de kalachnikov. Il gît au milieu de la rue devant le restaurant, peut-être vit-il encore. C'est idiot, c'est Tahar lui-même qui nous avait recommandé cette adresse. A tort d'ailleurs : la pizza frutti di mare est infecte et le service fort désinvolte.

«Tahar était sorti pour tenter de réconcilier les factions, ou les milices, ou que sais-je. Il y a dehors, si j’ai bien compris, des sunnites, des chiites et même quelques alaouites qui se tirent dessus. Le patron de la pizzéria est serbe et orthodoxe. Pierre Assouline est caché depuis une bonne heure dans la chambre froide au fond des cuisines, mais nous ne parvenons pas à rouvrir la porte pour l’en extraire. Si Tahar se vide de tout son