Lorsque les détenus de la prison du désert, à Palmyre (centre de la Syrie), condamnés à mort au terme de procès qui ont duré deux ou trois minutes, sont appelés à la potence, ils serrent les mains de dizaines d'autres prisonniers qui partagent leur immense cellule. Mais jamais la main du narrateur. Lui est chrétien et s'est déclaré athée pour éviter l'accusation d'appartenir aux Frères musulmans que les policiers lui ont collée à son retour à Damas, en provenance de Paris où il étudiait le cinéma. Très mauvais calcul. D'abord, il est devenu l'objet d'une haine absolument féroce de tous ses codétenus islamistes, dont certains voudraient l'assassiner. Ensuite, cela ne l'empêche pas d'être battu, torturé, humilié comme les autres : «Alors pourquoi on t'a amené ici ? Injustement ? Espèce de chien. Si ces salauds méritent la mort, toi c'est deux fois que tu dois mourir ! Allez les jeunes, augmentez la dose pour ce chien. Chrétien et frère musulman !»Le supplice, cette fois, c'est la falaqa : «Les trois policiers rajoutent une dose sur mes pieds, pendant qu'un quatrième abat son fouet sur les cuisses nues. Les spasmes de douleur redoublent. La chair des cuisses est différente de la plante des pieds ; elle est délicate. Je suis étranglé par mes cris. Je me tais quelques instants pour reprendre mon souffle, engloutir une bouffée d'air que je vais recracher en criant. Un voile rouge flotte devant mes yeux. La douleur atteint un seuil insupportable.»
Carapace.