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Libération
Critique

Perroquets de tous les pays

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Le cahier Livres de Libédossier
Dans «Karaoké Culture», Dubravka Ugrešić analyse mi-grave, mi-badine, ce rite d’idolâtrie populaire.
publié le 7 novembre 2012 à 19h06

«A ce qu’il paraît, la chanson I Will Survive est en tête du hit-parade des fans de karaoké depuis des années», rapporte Dubravka Ugrešić dans son court essai, Karaoké Culture. Derrière l’anecdote, un symbole. Depuis son invention par l’homme d’affaires Daisuke Inoue au début des années 70, la machine à karaoké (qui signifie «orchestre vide» en japonais) a fait mieux que survivre : elle a prospéré.

Esthétique. En France, où l'on se plaît à l'imaginer cantonnée dans quelques bars ringards, son esprit hante toujours nos écrans, de la télévision («N'oubliez pas les paroles») au cinéma (Stars 80) en passant par quantité de vidéos YouTube où d'illustres inconnus «couvrent» des tubes à la guitare pour que d'autres internautes fassent de même dans leur salon.

A première vue, c'est «juste une bonne blague», un «petit jeu inoffensif» au cours duquel «l'amateur déclare publiquement son amour pour son idole, tandis que son interprétation fatalement bizarroïde dévalorise en même temps» le chanteur adoré. Mais au-delà se cache une tendance de civilisation, estime celle qui se «comporte dans ses textes comme si l'esprit de Toto [le chien qui révèle la supercherie du Magicien d'Oz, ndlr] s'était emparé d'[elle], [l]'incitant à faire tomber le rideau». Décortiqué jusqu'à la substantifique moelle, le karaoké devient une catégorie esthétique, voire un concept philo à l'aune duquel l'auteure croate analyse le foncti