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Libération
Critique

L’URSS de A à zek

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Après son «voyage» en Sibérie, le retour de Julius Margolin dans un monde disparu
publié le 14 novembre 2012 à 19h06

En 1939, Julius Margolin a une mauvaise idée. Il retourne pour quelque temps à Pinsk (alors en Pologne, aujourd’hui en Biélorussie). C’est la ville de sa naissance, celle où ses parents vivent et vont bientôt mourir. Il a 39 ans et habite en Palestine depuis trois ans. La guerre qui survient le met dans la nasse. Fuyant les nazis, il rejoint les territoires polonais sous administration stalinienne, mais refuse la nationalité soviétique : cinq ans de Sibérie. La déportation lui épargne l’extermination.

Voyage au pays des Ze-Ka, paru au Bruit du temps voilà deux ans, contait cette aventure au cœur gelé de l'espèce humaine. Par sa précision, un humanisme que renforce la fonte express des illusions, sa manière sensible d'associer l'expérience aux souvenirs et la vie aux lectures pour résister à la plus grande violence subie, l'originalité de son point de vue (celui d'un intellectuel juif polonais polyglotte et russophone), il rejoint les grands textes de la littérature dite concentrationnaire - autrement dit, de la littérature tout court.

Hors-venu. Le Livre du retour n'est pas un ouvrage achevé, mais il est, par son inachèvement même, du même niveau : Margolin tente de recoudre le tissu déchiré. Publiés ou non, les textes rassemblés par Luba Jurgenson racontent la suite de l'épopée, en 1946 - de même que la Trêve de Primo Levi prolongeait Si c'est un homme. C'est le moment douloureux où le déporté redevient homme en affrontant