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Libération
Portrait

Salman Rushdie contraint de jouer son propre rôle

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«Joseph Anton» est son premier - et dernier ? - roman autobiographique.
publié le 15 novembre 2012 à 22h36

Sans doute est-il d’abord un conteur. Accro aux histoires et à l’Histoire depuis l’enfance. Précis, fulgurant d’intelligence, maniant à l’oral un art de la nuance qui, souvent, contraste avec sa propension écrite à la flamboyance et même, par instants, l’exubérance. On peut l’écouter des heures et toujours, lors de ces conversations, survient un moment magique, l’irruption d’une ville extraordinaire, Bombay, dont il semble chaque fois plus amoureux encore. Une ville où il est né en 1947 deux mois avant l’indépendance, et qu’il a quittée à 13 ans pour aller étudier à Rugby. Une ville monde, paradis enfantin où il a cru, longtemps, ne plus jamais pouvoir remettre les pieds après qu’un jour de Saint-Valentin tragique, sa tête fut mise à prix depuis l’Iran par un ayatollah subclaquant. Ce 14 février 1989, sa vie bascule en quelques heures dans la clandestinité.

Thriller. C'est par cette scène ahurissante, cinématographique - le coup de fil d'un journaliste de la BBC qui lui annonce froidement la nouvelle et lui propose de réagir - que s'ouvre Joseph Anton, le premier livre autobiographique qu'il ait jamais écrit et qui vient d'être publié simultanément dans le monde entier. Salman Rushdie a choisi d'y parler de lui à la troisième personne pour donner à ce récit vrai les allures d'un faux roman. Il a troqué son anglais pyrotechnique pour la langue sobre et efficace des thrillers. La chance, si l'on ose dire, de Rushdie fut que la sentence de mort intervin