N'en déplaise à la nationalité italienne et française des auteurs, voici un livre audacieux qui a les traits d'un couteau suisse : Mario Monti et Sylvie Goulard signent un essai brillant qui est à la fois une réflexion théorique sur la démocratie appliquée, un témoignage d'acteurs politiques de premier plan et un manuel de la réforme pour une Europe «entre deux eaux». Si leur «tout-en-un» se garde de toute prétention universelle, le Premier ministre italien et la députée européenne attaquent sur tous les fronts «notre problème» avec l'Europe. D'abord, sous la forme d'un paradoxe : nous avons construit en un demi-siècle l'espace au monde le plus profondément démocratique, où 500 millions de personnes profitent de libertés inégalées, mais où ses citoyens sont chaque jour plus nombreux à contester les institutions opaques, lointaines, tantôt intrusives, souvent impuissantes, qui les gouvernent. Comme si la dynamique démocratique européenne avait fini par se perdre dans la complexité d'une tuyauterie. Comme si la crise avait soudain révélé la fragilité de l'édifice conçu pour temps calme et achevé de dérégler les esprits en propageant les poisons du populisme et du nationalisme. Une double peine : le déficit budgétaire plus le déficit démocratique.
Mais cette tension de contradictions n'est pas la fin de l'histoire. Les auteurs ont exhumé chez Tocqueville cette conviction forte qui veut que, jamais depuis des siècles, la marche vers «l'égalité des conditions