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Critique

Tristes tropismes examine la mélancolie, la meilleure maladie des hommes, sous tous ses angles, depuis l’Antiquité

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Jean Starobinski examine la mélancolie, la meilleure maladie des hommes, sous tous ses angles, depuis l’Antiquité
publié le 21 novembre 2012 à 19h02

La troisième saison de la série américaine Sur écoute débute par la destruction des tours dans lesquelles ont grandi les jeunes dealers du gang Barksdale. Ils observent la cérémonie. «Les tours, dit Malik, c'était chez moi. On y a passé de bons moments.» «Tu vas quand même pas chialer, dit Bodie. C'est que du béton, du putain de béton.» «Moi, dit Malik, je te parle de gens, de souvenirs. J'y ai tiré mon premier coup avec cette nana, Chantay…» Bodie l'interrompt : «T'aurais dû leur dire ! Ils auraient renoncé ! Ils auraient mis un grand panneau disant : "C'est ici que Malik Carr a trempé son biscuit pour la première fois." On aurait pris des photos, les touristes seraient venus ! On aurait fait des moules de ta petite bite !» Et ils rient d'eux-mêmes et du pays perdu. Parfait exemple d'ironie mélancolique et plus précisément de nostalgie, cette «variété du deuil». La définition est de Jean Starobinski, éminent intellectuel suisse de 92 ans dont les livres ont marqué l'histoire de la pensée littéraire, faisant de lui un avatar contemporain de l'humanisme européen.

Montaigne. On ne trouvera naturellement aucune allusion à ce feuilleton télévisé, ni à aucun autre, dans l'Encre de la mélancolie. Il est ici question des Grecs anciens, de Dürer, de Robert Burton, de Hoffmann, de Baudelaire, de Kafka, de Madame de Staël, de Pierre-Jean Jouve. Le livre regroupe les textes publiés à l'université ou en revues par