Ça a commencé comme une performance. Un photographe, Matthieu Raffard, et un auteur, Albéric d'Hardivilliers, proposent à Libé de publier chaque jour, sur un blog dédié, une photo et une petite fiction associée. Cela s'appellera Daily Fiction, «Histoires inventées, images rencontrées & autres correspondances». Nous sommes en juin 2010. Commence alors, chaque jour, à midi pile, cette rythmique d'écriture où la lumineuse douceur des photos prises par l'un inspire des fragments de vie inventés par l'autre, construisant un univers délicat qui, tout naturellement, trouve aujourd'hui sa place dans un livre.
D'un simple regard ou d'un grandiose paysage immortalisés par son complice, Albéric d'Hardivilliers tire alors un fil. Celui d'un amour de jeunesse ou bien d'une rencontre fortuite, du non-dit, du regret, de la nostalgie. Bref, de tout ce qui fait une vie. On croise celui qui se fait poser un lapin, celle qui retourne chez sa mère, et celui qui est juste là. Un peu comme tout le monde finalement. Fiction 31 : «Il fait froid et humide et la vue sur la ville lui arrache difficilement le moindre sentiment. Ce qu'il ressent : un immense vide qu'il résume ainsi : "Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?"» Et la réponse ne tarde pas à arriver, sèche, lapidaire, sans échappatoire : «Rien.»
Texte et photos des 90 fictions se nourrissent des voyages, nombreux, réalisés en tandem par les deux auteurs. Sur les images, on reconnaît Brooklyn, Odessa, Berlin, ma