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Critique

En attendant Beckett

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Comment le Polonais Antoni Libera apprit à vivre par l’auteur de «Godot»
publié le 28 novembre 2012 à 22h56

La scène se passe en Pologne, c'est-à-dire nulle part. On est en 1957, lors d'un «mémorable automne caniculaire», pendant le «printemps polonais». Le régime a lâché du lest : au pays d'Ubu, tout le monde attend Godot.

Justement, on joue pour la première fois et à guichet fermé la pièce d'un Irlandais nommé Beckett, créée en France par Roger Blin. Qui est ce Godot dont tout le monde parle ? Pourquoi l'attend-on ? Antoni Libera, 8 ans, écoute les grands et aimerait bien savoir. Depuis un siècle, dans ce pays rayé de la carte par les uns ou les autres, «la littérature est devenue la maison du peuple». Sur le bureau de son père, il y a un portrait de Thomas Mann. La littérature vit bien au pays de nulle part. Elle remplit un lieu plein d'espoir, de désespoir et d'attente.

Clowns. Les parents d'Antoni obtiennent deux places, le dernier jour. «Si tu veux, lui disent-ils, tu peux te coucher tard et attendre notre retour. En récompense on te racontera qui est vraiment Godot.» Le gamin insiste pour venir, le père finit par céder, la mère proteste. «C'est vrai, dit le père, ce n'est pas une pièce pour les enfants. Mais elle est peut-être indiquée pour les enfants névrosés.» Toute remémoration donne le sens de l'histoire une fois qu'elle a eu lieu ; mais il n'est pas exagéré de dire que cette représentation, ces clowns maladroits et sinistres, ces «pauvres types», vont déterminer la vie d'Antoni Libera et lui faire sentir et comprendre dans quel mon