Monumental, l’ouvrage qu’Adam Tooze consacre à l’économie nazie entre 1933 et 1945 l’est en raison de ses proportions imposantes - 800 pages. Mais il l’est surtout en raison des thèses novatrices qu’il avance. S’appuyant sur une documentation exemplaire, l’historien britannique renouvelle de fond en comble notre connaissance de l’Allemagne hitlérienne et invite à reconsidérer ce qui, sur la Seconde Guerre mondiale, tenait lieu jusqu’ici de vérité établie.
Dès 1933, le Reich s'engagea dans un réarmement en profondeur destiné à préparer la guerre à venir. Mais ce conflit, précise Adam Tooze, ne visait ni à régler de vieux comptes avec la France ou le Royaume-Uni ni à défaire l'Union soviétique. L'Allemagne entendait d'abord et avant tout affronter les Etats-Unis qu'elle jugeait responsable de la crise qu'elle subissait. Entre 1919 et 1933, la République de Weimar avait misé sur un système d'économie libérale qui, grâce aux exportations made in Germany et aux prêts consentis par Wall Street avait assuré sa croissance. Mais la crise de 1929, le retrait des capitaux américains, l'édification de barrières protectionnistes et la dévaluation du dollar opérée en 1934 invalidèrent les postulats de cette politique. Assimilant ces mesures à un complot juif qui cherchait, Roosevelt en tête, à asphyxier l'Allemagne, Hitler tira les conclusions qui à ses yeux s'imposaient. Pour offrir à une population croissante les terres et les ressources nécessaires, le Reich étendrait à l'est s