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Libération
Critique

L’Érythrée, Corée du Nord africaine

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Grâce à des témoignages de réfugiés, Léonard Vincent raconte le drame quotidien d’un peuple bâillonné par son président.
publié le 30 novembre 2012 à 19h01

Sait-on jamais pourquoi on épouse une cause au point d'y consacrer une partie importante, voire essentielle, de son existence et de son énergie ? Léonard Vincent n'est jamais allé en Erythrée, faute de visa, mais ce pays de la corne de l'Afrique occupe une place essentielle dans sa vie. Dans ses pensées et dans ses tripes. Cet ancien responsable du secteur Afrique de l'association Reporters sans frontières (RSF) serait bien en peine d'expliquer les raisons qui l'ont incité à s'intéresser au destin tragique de cet Etat qui a arraché son indépendance à l'Ethiopie en 1993, à l'issue de trente ans de guérilla. «L'Erythrée m'a envahi», constate-t-il simplement.

Par son entremise, nous voilà projetés au cœur du drame vécu par les Erythréens. Des décennies de lutte pour en arriver, au début des années 2000, même pas dix ans après l’indépendance, au cauchemar orwellien décrit minutieusement, avec sensibilité mais sans pathos, par l’auteur. Un peuple tout entier emmuré vivant dans ses frontières par la folie du «héros» de l’indépendance, Issaias Afeworki.

Depuis septembre 2001, le président érythréen a transformé son pays en une sorte de Corée du Nord africaine, têtes nucléaires en moins. La liberté d'expression n'y est plus qu'un vague souvenir. La terreur y est quotidienne. Régulièrement, la police boucle une rue et parfois tout un quartier de la capitale, Asmara, pour contrôler tout le monde. Là-bas, on appelle cela la giffa, la «pluie» : elle tombe sans prévenir e