Anna Freud est invitée par l'Unesco à faire en Sorbonne une conférence sur le thème : «Problème d'adaptation posé à l'éducation des enfants qui ont souffert de la guerre». Le discours de réception de Marie Bonaparte - ambassadrice de la psychanalyse freudienne en France, par ailleurs arrière-petite-fille de Lucien, frère de Napoléon, et princesse de Grèce - s'ouvre ainsi : «La dernière fois que j'accueillis mon amie, Mlle Anna Freud à Paris, ce fut en juin 1938. Hitler avait peu de jours auparavant envahi l'Autriche. La Société psychanalytique de Vienne était dissoute, les livres de psychanalyse détruits, la maison d'éducation pillée […]. Or malgré tous ces malheurs, Freud pouvait embrasser son œuvre avec fierté. La psychanalyse était bannie d'Europe centrale. Mais on ne tue pas la science. On peut chasser les psychanalystes. On ne tue pas l'esprit.»
C'était le 19 octobre 1945. Temps des ruines. De nombreux représentants de ce que les nazis nommaient la «science juive», tel Rudolph Lœwenstein, ont pu échapper à la mort, à laquelle les destinait l'Allemagne, en émigrant aux Etats Unis. Marie Bonaparte s'est exilée en Crète puis en Afrique du Sud. Sacha Nacht, entré dans la Résistance et incarcéré à Drancy, a échappé par miracle au pire, «Paul Schiff a fui la Gestapo pour rejoindre l'armée qui libérera la France, Daniel Lagache a continué d'enseigner à Clermont-Ferrand où s'est repliée la faculté de Strasbourg. Les autres, tels Jacques Lacan, Fr