Sur la guerre de 1914-1918, on a déjà lu de solides ouvrages d'histoire, des romans fameux, vu des archives filmées ou des fictions inspirées. Le livre de Thierry Secretan, consacré lui aussi à cette période, est cependant singulier, et ce, dès son intitulé : 1914-1918, le temps de nous aimer. Qui est «nous» ? Une triade de prénoms, Victor, Robert et Denise, respectivement arrière-grand-père, grand-père et grand-mère de l'auteur.
Le roman est d’abord familial quand, au début de ce siècle, Thierry Secretan découvre dans le grenier d’une maison de campagne moult «archives de guerres» serrées dans des cartons et des boîtes à chaussures. Plus de 1 000 lettres écrites entre juillet 1914 et juillet 1918 par Victor et Robert, mais aussi des cartes postales illustrées et des centaines de photographies. L’archiviste improvisé conçoit que cette correspondance intime mérite de devenir publique. Car ce courrier est un courrier du cœur, mais d’un genre plus qu’inédit. Mobilisés et envoyés au front, Robert et Victor adressent leur amour à la même femme, Denise, qui est à la fois l’épouse du premier et, partant, la belle-fille du second. On dirait du Courteline (que Victor et Robert fréquentaient), mais du Courteline saisi par un superbe esprit fouriériste. Loin de concevoir jalousie, rivalité ou embarras, les deux hommes et la femme vont mutualiser leur amour et inventer une version fort peu bourgeoise du ménage à trois. Une version anarchisante sur laquelle souffle le vent de leu