C'est un livre court, que son auteur n'a même pas conçu comme un livre, mais qui a été bâti comme tel, après sa mort, par ses éditeurs. D'ailleurs, Roberto Bazlen (Trieste 1902-Milan 1965) ne se considérait pas comme un auteur, jamais il n'a publié un livre de son vivant, et c'est sous pseudonyme qu'il a publié jusqu'aux traductions qu'il a faites. Informes de lectura. Cartas a Montale est donc un assemblage de textes dispersés dans les tiroirs d'éditeurs italiens (essentiellement Einaudi et Adelphi) pour qui Bazlen était lecteur, de notes de lecture faites dans les dernières années de sa vie et envoyées à Sergio Solmi et Luciano Foa. Enfin, une sélection de lettres que Bazlen écrivit entre 1925 et 1930 à son ami le poète Eugenio Montale.
Ce qui m'impressionne dans ces notes, ce n'est pas seulement l'acuité et la profondeur avec lesquelles Bazlen évoque les livres qu'il recommande (ou pas) de publier, c'est aussi leur ton et leur fraîcheur, comme des conversations entre amis - ce qu'elles furent à coup sûr -, sans formalités, et d'abord avec une liberté et une indépendance complètes à l'égard des modes littéraires ou théoriques. Polyglotte à la culture étendue, Bazlen préfère le clin d'œil, le doute, une certaine ironie, ou, parfois, quand la médiocrité ou le génie apparaissent, le jugement acéré. De l'Homme sans qualités, de Robert Musil, il dit : «Il mérite d'être publié les yeux fermés», avant de mentionner un peu plus loin «les réserves de l