Le Pays de l'alcool, roman de l'écrivain chinois Mo Yan, est un livre fascinant. Il nous étourdit, nous déroute au sens propre du terme, nous égare. Il s'abat sur le lecteur comme un monstre hideux échappé d'un cauchemar, pour se transformer ensuite en un quiproquo comique. Je ne me suis même pas rendu compte du moment où j'ai cessé d'être horrifié et où je me suis mis à rire tellement fort que les gens, dans le métro, se sont tous retournés et ont regardé dans ma direction. J'ai eu brusquement envie de leur parler, de partager avec eux mon enthousiasme, face au saut étourdissant imaginé et réalisé par cet écrivain chinois, mais je me suis dit qu'il était impossible de le faire en quelques mots.
Cuisine. Mo Yan est incontestablement l'écrivain le plus audacieux de notre époque. Il a osé relier des choses radicalement inconciliables. Du reste, cela s'explique par le fait qu'il parle, dans son livre, de la cuisine chinoise où se mêlent traditionnellement des éléments qui, en principe, ne peuvent être associés. Ainsi, nous apprenons dès les premières pages du livre que, dans une province de Chine, de hauts fonctionnaires mangent des petits enfants. Le procureur Ding Gou'er se rend sur les lieux pour enquêter sur ces crimes, et le lecteur européen, qui voit là un thriller habituel, se prépare à l'idée qu'on va simplement lui faire peur. Cependant, l'écrivain chinois n'est pas aussi simple. Il commence à construire un monde tellement absurde que le lecteu