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Libération
Critique

Un monde en perte de violence

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Démonstration à contre-courant par le Canadien Steven Pinker du recul de la barbarie au XXe siècle
par Héctor Abad Faciolince, (Colombie) (Traduit de l’espagnol par Philippe Lançon)
publié le 19 décembre 2012 à 19h07

Karl Popper disait qu'on pourrait définir d'une phrase la religion dominante de notre époque : «Le méchant monde où nous vivons.» Pour le penseur autrichien, l'influence la plus néfaste de nombreux intellectuels (de gauche comme de droite) a été de convaincre les jeunes qu'ils vivaient dans un monde moralement mauvais et dans l'une des pires époques de l'histoire. Bien qu'il ait eu à subir la persécution nazie dans les années 30 du siècle passé, Popper soutenait que cette affirmation sur la méchanceté du monde occidental était un grand mensonge. Il pensait qu'il n'y avait jamais eu de meilleur système social - ou, si l'on préfère, de moins mauvais - que celui bâti par les démocraties européennes à la fin du XXe siècle. Ceci, précisait-il, ne préjuge en rien du futur car «il n'existe aucune loi du progrès historique».

Ce qui est intéressant, ce qui va contre un certain nombre de préjugés et de lieux communs, et qui a offensé certains intellectuels dans le dernier livre de Steven Pinker, The Better Angels of Our Nature, c'est que sa monumentale étude historique semble confirmer la thèse de Popper : même au cœur de la crise économique et politique actuelle, le monde né après la Seconde Guerre mondiale est l'un des moins violents de l'histoire. Il n'est pas difficile de faire la liste des horreurs présentes qui pourraient démentir cette affirmation, mais il serait encore plus facile de faire celle des horreurs du passé qui la confirment.

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