Un changement silencieux mais radical de culture… En vingt ans à peine, la crémation a pris sa place. Elle concernait, en 1983, 1,8% des obsèques qui avaient lieu en France et 30% en 2010. Les funérailles «se privatisent» et la société est désormais majoritairement areligieuse. Est-ce parce que le christianisme se défait que la crémation progresse ? Les liens entre l’un et l’autre sont complexes. C’est ce que montrent Piotr Kuberski dans un solide ouvrage historique et Damien Le Guay dans un essai polémiste (1).
Archéologue et théologien, le premier convie à un long (parfois ardu mais passionnant) voyage dans le temps. Si le christianisme a imposé, au début du Moyen Age, l’inhumation comme mode exclusif de pratique funéraire, l’Antiquité, elle, et ce fut le cas pour les premiers chrétiens, a longtemps hésité. Le bûcher était un hommage au héros. Incinérer les morts, c’était aussi les protéger du viol de sépulture, injure majeure. En historien, convoquant les textes et les sources archéologiques, Piotr Kuberski montre que la pratique de l’inhumation a été valorisée par le christianisme, non pas à cause du dogme central de la résurrection des corps mais parce que l’Eglise l’a surtout promue en rupture avec d’anciennes pratiques, assimilées au paganisme.
Dans le courant du XIXe siècle, en France, la crémation, alors interdite, est un combat pour les milieux de la libre-pensée qui obtiennent finalement, en 1887, l'autorisation officielle de la pratiquer. Aux raisons phi