Littérature étrangère made in France, échappée belle. Tentative de constitution d'un univers mental allophyle. Non pas re/constitution patho-historique comme un film en costumes. Peu ou pas de pittoresque, plasticité des détails. «Imre pouvait entendre la voix du grand-père lui parvenir depuis l'extrême pointe du jardin triangulaire» : dès la première phrase, écriture du corps dans l'espace, pétri de sons, échos, géométrie des distances. On sait exactement en quel point du cerveau on se trouve.
Ça se passe en Hongrie communiste, dans une maison coincée entre trois rails, un enfant de la classe moyenne sur qui l'Histoire passe comme un spectre venteux. Il s'appelle Imre. Le Mur va bientôt tomber mais ces remous n'arrivent pas jusqu'à la maison car «sa famille était trop petite, trop pauvre et trop inculte pour répercuter quoi que ce soit de la course du monde. Elle avait sa propre chronologie, ses propres règnes et une propension agaçante à garder tous ses secrets». En particulier celui du grand-père, qu'on retrouve soûl chaque année à la même date au fond du jardin, sans qu'on sache quel malheur il fête : «Qu'ils crèvent tous, marmonnait le grand-père dans son sommeil. C'était devenu un réflexe chez lui. Il n'avait plus besoin de se réveiller.»
Voilà la partition donnée du livre : une vie qui s'écoule ensommeillée, assoupie sous l'Histoire, grommelant à demi-consciente, puisque le Mur tombera, que Imre deviendra capitaliste dans un sex-shop, que sa s