Surtout pas d'effet de manche. Une sobriété qui confine au dépouillement. En clair, les faits sans le pathos. Déjà à Libération, Jean-Baptiste Harang cultivait ce style d'écriture qui lui allait si bien, tout autant qu'au journal où il a passé de très nombreuses années. Bordeaux-Vintimille conserve obstinément cette manière : un fait divers épouvantable, vieux de bientôt trente ans, raconté de manière clinique et pourtant pleine d'émotion tenue. Bordeaux-Vintimille est le récit d'un meurtre qui secoua la France car il était atroce. L'acte lui-même mais aussi ses auteurs et tout ce qu'on appelle aujourd'hui le collatéral - le climat de l'époque - disaient (et disent encore) sur la nature humaine ce qu'on ne veut jamais lui voir.
Ce crime eut lieu en 1983, dans la nuit du 13 au 14 novembre, dans le train Bordeaux-Vintimille numéro 343 roulant à pleine vitesse, d'où un jeune Algérien fut jeté sur la voie par trois Français candidats à la Légion étrangère, qui l'avaient roué de coups et poignardé avant de le balancer peut-être déjà mort par la porte du wagon. Jean-Baptiste Harang n'a jamais oublié ce fait divers qu'il «couvrit» alors pour Libération, jusqu'au procès des assassins. Et ce qu'il raconte avec une infinie sensibilité emporte le lecteur, qu'il ait ou non connu l'affaire en son temps. En lui laissant un poids sur les épaules pour ce qu'il énonce d'absurdité.
Tout au long du récit, on songe au refrain de la chanson de Bob Dylan, adaptée