Comment fait-on pour rafraîchir le vin dans un immeuble en construction de six étages, au sommet duquel ceux qui le gardent et le construisent, des maçons argentins et chiliens, s'apprêtent à passer le réveillon ? Il faut «s'approcher de façon décidée d'un fantôme» et «lui introduire une bouteille dans le thorax», où elle reste «dans un équilibre surnaturel». Deux heures plus tard, non seulement la bouteille est «toute fraîche», mais, d'une part, «pendant le processus, le vin s'échappait des bouteilles et circulait comme une lymphe dans tout le corps des fantômes», d'autre part, «cette distillation transformait le vulgaire vin bon marché, élevé dans les barriques en ciment, en un exquis cabernet sauvignon millésimé que même les gens riches ne pouvaient pas se permettre de boire au quotidien».
Cordon. Dans cet immeuble de Buenos Aires, les cloisons ne sont pas encore montées. Quand un robinet fonctionne, les autres s'arrêtent, «mais il fallait bien que quelqu'un vive là avant que les propriétaires ne commencent à y habiter définitivement eux-mêmes». La famille Viñas a accepté de rester tant que les travaux ne sont pas finis. Le père, Raul, est un ivrogne, mais la mère, Elisa, s'en accommode. «Ce n'est pas qu'il n'y ait pas d'hommes, dit-elle à sa fille Patri en étendant le linge dans le chantier, c'est qu'ils ne sont jamais là au moment voulu.» Au moins, le sien est là. Parmi les