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Critique

Joan Didion, haute en douleur

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Le cahier Livres de Libédossier
Après avoir raconté la mort de son mari, la romancière américaine revient dans «le Bleu de la nuit» sur celle de sa fille adoptive
publié le 16 janvier 2013 à 19h36

En plus d'un demi-siècle d'activité, Joan Didion a été romancière, journaliste, essayiste, scénariste, mais n'a jamais eu que deux sujets : l'Amérique et elle-même, qui n'en forment en fait qu'un seul, tant l'un reflète l'autre. C'est une chroniqueuse, du dehors et du dedans, qui s'est tout à fait plongée dans l'écriture de soi depuis l'Année de la pensée magique (2007), où elle faisait le récit du deuil de son mari, John Gregory Dunne, foudroyé fin 2003 par une crise cardiaque. Il y était aussi question de leur fille adoptive, Quintana, qui, à la même époque, était tombée dans le coma après une pneumonie. La «pensée magique» la quittait dans l'entre-deux, tout n'était pas encore joué. Quintana mourut avant la parution du texte, elle avait 39 ans.

Six ans après, le Bleu de la nuit lui est dédié. Il la concerne en premier lieu, son enfance, ses terreurs, ses questions ; des souvenirs épars, pour tenter de la comprendre, elle, Quintana, en faisant pour cela chemin retour, depuis le jour de l'adoption, celui du coup de fil du docteur : «"J'ai une magnifique petite fille à St. John's" - voilà ce qu'il avait dit.» Comprendre ce que c'est que grandir élevée par des parents qui ne sont pas biologiquement les siens, des parents riches, intellectuels, qui côtoient des stars, prennent des avions, dorment dans des hôtels. Ce que c'est de construire une maison de poupée sur les étagères de sa chambre et d'en laisser une vide. «Ça, avait-elle dit, ce serait