Pendant des années, un écrivain condamné par le Parti pour «activités contre-révolutionnaires» consigne sur des lambeaux de papier sa descente dans l'enfer des geôles communistes. Son manuscrit, confisqué, détruit et réécrit deux fois, est publié et primé vingt ans après en Occident. L'auteur finit par s'exiler à l'Ouest. Ce n'est pas l'histoire de Soljenitsyne durant la guerre froide. Mais celle, en 2013, de Liao Yiwu, rescapé des prisons chinoises et réfugié à Berlin, avec Dans l'empire des ténèbres.
Publié en Allemagne, en France aujourd'hui et bientôt aux Etats-Unis, ce manuscrit miraculé aurait pu n'être jamais lu que par les policiers du Sichuan, dans le centre de la Chine. «Ce sont mes meilleurs lecteurs, ironise souvent Liao Yiwu. A force de saisir mes écrits et de les disséquer pour trouver des raisons de me poursuivre, ils sont devenus de vrais spécialistes de mon œuvre.» Ce récit de plus de 600 pages, qui en fait 800 en version intégrale (Mon Témoignage, en mandarin), a pris forme sous son crâne rasé, dans une cellule de la prison Chengdu entre 1990 et 1994. Son crime était d'avoir écrit, sans le publier, un poème, Massacre, vision dantesque et onirique de la tuerie de la place Tiananmen en juin 1989. Resté dans le Sichuan, sa province natale, il n'avait pas participé aux événements. Seulement écrit, puis enregistré son long poème. «Ce n'était pas un acte de résistance, dira-t-il, mais le résultat d