Une grande maison de ville avec un jardin. Deux sœurs qui parlent, d'abord dans la cuisine, puis dehors. Leur mère allongée au premier étage, le corps de son frère, l'oncle Paul, dans le salon. Et tout de suite l'imbroglio des familles. L'oncle Paul a décidé de revenir chez lui pour mourir, et chez lui, dans son esprit, ce n'était pas le domicile conjugal partagé trois décennies durant avec la même femme. Non, chez lui, ce ne pouvait être que la maison de son enfance, dont il avait hérité, et où il avait installé naguère sa sœur et ses filles. Une façon de les avoir sous la main. Il vient de mourir. Qu'est-ce que cela change ? Pendant trois mois, «lui et sa maladie avaient absorbé chaque mètre carré». Mort ou vif, ou mourant, Paul Bergmann a toujours été un despote. A présent, ces deux sœurs, deux femmes, qu'il a élevées, font ce qu'elles peuvent : parlant de lui, elles parlent d'elles.
Comment ne pas se laisser porter par cet échange entre Lisa, la cadette, et Tania, la belle aînée, la préférée ? Comment ne pas être tenté de glisser son interprétation parmi toutes celles qui se succèdent et s'annulent ? L'oncle Paul semble intrusif, on en jurerait, beaucoup trop concerné par ce foyer au père défaillant, bientôt divorcé. Aucun homme, aucune branche rapportée ne tient la route devant le clan des Bergmann. Le seul qui aurait pu est un juif américain, économiste célèbre, plus vieux qu'elle, que Tania a épousé aux Etats-Unis, mais il n'a jamais voulu venir en Allemagne.