On est au Salvador, en 1980, pendant la guerre civile. Les partis de gauche et la guérilla luttent contre la junte militaire jusqu’au centre de la capitale. Les escadrons de la mort de Roberto d’Aubuisson, maniaque et bel homme, embarquent, torturent à mort et font disparaître toutes sortes de gens, plutôt jeunes, suspectés d’être «communistes». Ils piochent leurs proies dans la rue, à domicile, dans les églises et les hôpitaux. Ils tuent les prêtres, les médecins qui soignent les insurgés. En général, les jours précédents, d’Aubuisson en a dénoncé certains à la télévision. Il organise le reality-show de leur némésis. Ce moment de terreur et de dégradation est celui du nouveau roman d’Horacio Castellanos Moya. Terreur et dégradation sont les nerfs d’un récit parfaitement construit.
Avant d'être un tortionnaire qui crève peu à peu d'un cancer, le Viking a été catcheur. Le catch est un sport populaire. La violence est mise en scène, les règles, truquées. C'est pareil dans la guerre : «Dans ce métier, on obéit aux ordres, ma petite Maria Elena. Et celui qui donne l'ordre n'est pas toujours celui qui décide, celui qui commande véritablement…» Ce qui compte est la nature de l'ordre. Ici, tous les ordres sont inspirés par le pire, et y mènent. Le Viking a une haleine putride, il est devenu son ombre. En le voyant, Maria Elena, la vieille servante qu'il a jadis draguée, pense : «Qu'est-ce que les gens peuvent s'abîmer. Il y a sept ans, le Viking était un homme présentab