Nos idoles de l'après-guerre. Nos amazones, nos combattantes. Femmes célèbres, indépendantes. Qui n'ont pas attendu que la France finalement leur accorde le droit de vote en 1944 pour prendre la parole. Femmes de plume, de machine à écrire, reines du monde intellectuel et politique. Nos modèles, donc, de femmes libres dans la France des années 50. Simone de Beauvoir et le Deuxième Sexe, Françoise Giroud, écrivain, scénariste, patron de presse, future secrétaire d'Etat à la Condition féminine, puis ministre de la Culture…
Eh bien le manuscrit secret, perdu, l'autobiographie jamais publiée de Françoise Giroud fait exploser le superbe mythe de nos grandes femmes fortes. Son livre s'appelle, sans ironie, Histoire d'une femme libre, mais on pourrait le sous-titrer avec tendresse «histoire d'une femme pas aussi libre qu'elle le croyait». «Dupée» aurait-elle pu écrire si elle s'exprimait aussi simplement, mais son style brillant et littéraire exclut ce genre de raccourci. Elle aurait pu aussi reprendre l'élégant et douloureux «flouée» de Beauvoir, de dix ans son aînée et dont le couple révolutionnaire avec Sartre ne fut pas aussi heureux dans la vie que sur papier.
Le 11 mai 1960, Françoise Giroud, qui a créé et dirige l'Express avec Jean-Jacques Servan-Schreiber, journal engagé contre la guerre d'Algérie, saisi par le gouvernement, plastiqué par l'OAS, se suicide. Elle range ses papiers, s'enferme dans sa chambre verrouillée de l'intérieur, coupe