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Libération
Interview

«Il y a toujours eu des doutes sur la vie de Díaz»

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Les explications de Christian Duverger
publié le 23 janvier 2013 à 19h06

Christian Duverger explique la naissance de Cortés et son double. Enquête sur une mystification et les raisons de sa démarche.

En 2003, dans votre biographie de Cortés (Fayard), vous ne suggérez à aucun moment qu’il pourrait être l’auteur de l’Histoire véridique de la conquête de la Nouvelle-Espagne. Vous avez changé d’avis ?

Non. J'ai écrit ma biographie de Cortés en 2000-2001 et j'y travaillais depuis dix bonnes années. Rapidement, j'ai été pris d'un doute sur la paternité du texte attribué à Bernal Díaz del Castillo, qui s'est peu à peu changé en certitude. Mais, à l'époque, ma biographie fait déjà bouger pas mal de lignes. Cortés n'est plus le méchant qui colle des baffes aux Indiens. Anti-espagnol, opposé à la brutalité du conflit, il pense le métissage. Dire cela, c'était déjà beaucoup pour un livre. C'est pourquoi j'ai fait l'impasse sur la deuxième partie de sa vie - celle qu'on connaît mal et où il a selon moi écrit l'Histoire véridique. Le livre d'aujourd'hui est la seconde partie de ma biographie de Cortés.

L’œuvre a fait l’objet de minutieuses études critiques. Comment expliquez-vous que, parmi tant de spécialistes, historiens ou littéraires, aucun n’ait remis en cause le fait qu’elle a été écrite par Díaz ?

On est toujours formaté, qu’on le veuille ou non. Il est difficile de s’affranchir des certitudes ambiantes. Si demain un physicien nous apprend que la Terre ne tourne pas autour du Soleil, qui le croira ? Et cependant, malgré cette tendance lourde à répéter les vieilles vérités, il y a toujours eu des doutes sur les affirmations et la vie de Díaz. On disait qu’il se parait des plumes du paon, on pointait ses contradictions, ses impossibilités, les mystères de sa vie, les multiples corrections apportées par d’autres au manuscrit. Mais personne n’est allé jusqu’au bout du raisonnement en disant : c’est une mystification. Carlos Fuente