Le beau regard d’une jeune fille resté en lui comme une lame. Cette inadvertance lui a coûté la vie. Marqué à jamais par la mort de cette inconnue plus que par le séisme qui a suivi, Matabei fuit Kobe en ruine et se retire au fin fond de la contrée d’Atôra, dans un endroit perdu entre montagne et Pacifique. La paisible pension de l’ancienne courtisane Dame Hison, sa maîtresse occasionnelle, semble ne recueillir que des locataires marqués par un drame lié à l’histoire récente du Japon. Un huis clos paisible aux confins du monde. Matabei tente d’oublier l’avant, vit comme en suspension.
Le jardin qui entoure l'auberge, miracle d'agrément qui contient tous les paysages, joue comme un baume. «Seul le jardin le consolait de cette hémorragie blanche ou noire qui asséchait en lui l'énergie et le désir.» Le vieux Osaki Tanako a transposé son art de peintre d'éventail à l'esthétique du jardin, sa philosophie aux plantes, à l'eau et à l'agencement des pierres. Matabei devient son disciple dévoué, reprenant le flambeau à sa mort. Dans cette humble occupation liée à l'harmonie et aux saisons, Matabei s'absorbe et entreprend de former à son tour le jeune adolescent mal dégrossi Xu Hi-han, qui débarque un jour à la pension. C'est ce disciple-là, devenu mémorialiste, qui ouvre le Peintre d'éventail.
Le temps semble s’être figé dans la grâce du labyrinthe végétal et les dîners de la pension. L’écriture est ciselée et contemplative. Un conte japonisant qu’on imagine au départ