L'historien Philippe Artières nous invite à un drôle de jeu. En 2011, il séjourne à la Villa Médicis, à Rome, en vue de mener à bien un projet très personnel : il travaille sur l'assassinat d'un membre de sa famille, l'oncle Paul, jésuite, nommé en 1910 titulaire de la chaire de philosophie à l'Université grégorienne. Deux ans plus tard, il en résulte ce récit perturbant, Vie et mort de Paul Gény. Non seulement la narration d'ordre historique est tout sauf linéaire, mais on assiste à un procédé inhabituel : bien plus spectaculaire que l'historien en action, l'histoire en acte.
La fiction, cette hérésie - mais l'anachronisme est également réhabilité - s'invite au cours du livre. Dans la deuxième partie, Philippe Artières s'adresse, en le tutoyant, au soldat qui a tué son arrière-grand-oncle, à Rome, le 12 octobre 1925, à l'âge de 54 ans. Il l'admoneste sous une forme mimétique - est-ce un document ? se demande d'abord le lecteur dérouté - en se faisant passer pour son frère : «Nos parents ont huit enfants, tu es le septième. […] Quand j'étais au front, le curé est venu vous voir pour vous annoncer ma mort : notre mère ne l'a pas supporté ; elle est restée inconsolable et un matin vous l'avez trouvée pendue dans le jardin.» Le soldat Bambino Marchi a planté sa baïonnette dans le dos de Paul Gény, qu'il ne connaissait pas et qu'il a suivi dans la rue, tant il souhaitait se venger des prêtres qui avaient ruiné la cellule familiale. Déclaré irresponsable, l'assas