Menu
Libération
Critique

Le coup du sarin

Article réservé aux abonnés
Après les attentats au gaz perpétrés par la secte Aum dans le métro de Tokyo, Murakami interroge des victimes et disciples de la secte. Ce sont des personnages du romancier japonais.
publié le 6 février 2013 à 21h42

Dans le métro de Tokyo comme dans les autres, ça pue, mais la sensation ne résume pas le millefeuille olfactif qui en constitue l’ordinaire. Le 20 mars 1995, le conducteur Michiaki Tamada, 43 ans, sent du neuf, sans savoir exactement quoi : «Il ne s’agissait pas vraiment d’une odeur, juste d’une intuition : « Il y a quelque chose de bizarre. » Tout le monde transpire. L’odeur des corps qui imprègne les vêtements laisse sa marque indélébile. Prenez le métro chaque jour et vous saurez quand ça commence à sentir autre chose que l’air ; vous remarquerez la moindre modification, d’instinct.»

Ce jour-là, quelques membres de la secte Aum, adepte du bouddhisme tantrique et de Nostradamus, répandent du gaz sarin dans plusieurs lignes à l'heure matinale de pointe. Bilan : 12 morts et environ 5 000 blessés. Deux mois après le tremblement de terre de Kobé (6 437 morts), la société japonaise est de nouveau bouleversée - non par la nature, mais par elle-même. «Le "phénomène" Aum, écrit Haruki Murakami dans Underground, me dérange précisément parce que ce n'est pas l'affaire de quelqu'un d'autre. Il montre une image déformée de nous-mêmes qu'aucun d'entre nous n'aurait pu prévoir.»

Dérive. Pour révéler cette image, le romancier publie deux ans plus tard ce livre-enquête en trois parties : entretiens approfondis avec des victimes de l'attentat et la famille d'un mort, réflexion sur le sens de l'affaire, entretiens tout aussi approfon