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Critique

Sahel en Seine

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Le cahier Livres de Libédossier
Récits intimes d’immigrés du Val-Fourré et des Mureaux recueillis en dix ans par le sociologue Hugues Lagrange
publié le 6 février 2013 à 21h43

Il quitte Paris «par une journée de soleil pâle», prend le train direction nord-ouest, longe la Seine qui déroule ses boucles. Défilent Villennes et Verneuil, «maisons en meulière», «jardins biscornus». Poissy, les usines Peugeot prises dans la brume d'«un paysage industriel sans relief», Flins, Les Mureaux, Mantes-la-Jolie. Il descend. «Le dépaysement est subtil […], il demande de resserrer le regard, de s'attacher aux gens», observe le sociologue Hugues Lagrange, narrateur et auteur d'En terre étrangère, alors que le bus l'emmène au Val-Fourré. Et c'est bien cela qu'il va faire au long de sa plongée dans le quotidien de Sahéliens installés dans ces cités pauvres des Yvelines.

Ce voyage de la capitale à ces quartiers très médiatisés par temps d'émeutes mais rarement visités les jours ordinaires, Hugues Lagrange l'a fait, nous dit-il, «une fois par semaine durant dix ans, souvent plus», en train, moto, hiver, été : de 1999 à 2001 aux Mureaux, de 2003 à 2011 à Mantes. Chercheur au CNRS et à Sciences-Po, il était arrivé là en réponse à la commande publique d'une enquête sur l'échec scolaire et social. Il s'y est incrusté : les réponses élusives des ados l'ont amené à rencontrer les adultes, longuement. Interrogeant l'impact du parcours des parents sur les difficultés des enfants, il focalisera son enquête sur les Sahéliens, sous-ensemble d'une immigration africaine et maghrébine dont le nombre de familles est passé,