Dans Gestes d'humanités (Armand Colin), un essai bluffant qui vient de paraître, le dixhuitiémiste tourné archéologue des médias Yves Citton regrette qu'à la suite de Louis-Sébastien Mercier nous n'ayons embrayé sur un néologisme qui fait tant défaut à la langue française, le verbe gester, nous condamnant ainsi au très insatisfaisant et surtout simiesque gesticuler. Rien donc pour nous différencier des singes. Et pourtant : le propre de l'homme ne serait-il pas, loin de toute simple singerie, le geste ? De gestes et de singes, il est justement question dans le si familier et réussi récit que publie ce jour François Bégaudeau, Deux singes ou ma vie politique. L'auteur, apparu dans un choc à l'été 2002, avec Jouer juste, avalé hop hop dans les deux heures qu'il faut à un TGV pour relier Paris à Nantes, et depuis suivi, volume après volume, à la trace diagonale verticale sur un terrain commun traversé par la Loire et empreint de pelouse verte-maillots jaunes de feu Marcel Saupin. Il ouvre cette fois sur l'année charnière désignée comme telle et sur l'instant par Talking Heads : 77. Des caves en partage de la ZUP Bellevue aux écrans palmés Entre les murs , il raconte sa vie politique à lui (la nôtre) ou comment il a déraillé (et nous sans doute avec). Comment des gestes décisifs permettent parfois de perturber le programme, disait Citton, qui n'a pas lu Bégaudeau, et vice-versa.
Vous avez eu 40 ans au milieu de l’écriture de ce livre que vous qualifiez de midterm book. Comment en est venue l’envie ?
Ça a commencé à ruminer il y a cinq ou six ans, à partir