Dans les neuf nouvelles écrites entre 1979 et 2011 qui composent l’Ange Esmeralda, Don DeLillo, né à New York en 1936, raconte des histoires de mots. C’est le propre d’un écrivain, à cela près que ses personnages, ses décors sont ici également pris dans ce genre d’affaires. Dans «Moments humains de la troisième guerre mondiale» (1983), la deuxième nouvelle du recueil constitué chronologiquement : «Je veux que les mots restent secrets, qu’ils se cramponnent à l’obscurité, au plus profond», dit le narrateur qui a précisé à la page précédente : «Je vise à bâtir une structure de lieux communs.»
Dans «la Famélique», la dernière nouvelle : «Il pensait aussi qu'il devait exister un autre mot qu'anorexique, qui l'aiderait à cerner plus clairement, un mot inventé pour que certains individus y aspirent, comme s'ils étaient nés et avaient grandi précisément pour s'y emmitoufler.» Dans «l'Ange Esmeralda» (1994), qui donne son titre au recueil : «Que je vous apprenne seulement à faire une vraie phrase, songea Edgar ; et je vous sauverai la vie.» Et aussi : «Elle imaginait souvent le champignon atomique, à l'intérieur de sa peau, et maintenant encore elle tentait de conjurer l'explosion, alors même que l'URSS s'était effondrée alphabétiquement, les énormes caractères basculés comme des statues cyrilliques.» C'est comme si l'angoisse inhérente à l'univers se transmettait par le virus des mots et des lettres