Il y a quelque chose de merveilleux dans Ladivine, le nouveau roman de Marie NDiaye, le premier depuis Trois Femmes puissantes, prix Goncourt en 2009. Non pas merveilleux au sens de magique, bien que le livre contienne quelques-uns de ces sortilèges qui ont fait la réputation de l'écrivain et fondent en partie son originalité. Ladivine est un feuilleton dont on voudrait qu'il ne finisse pas, parce qu'il ouvre sans cesse sur de nouvelles richesses.
Les points de vue se relaient, à peine est-on surpris de passer un peu de temps avec Ladivine Sylla qu'on se retrouve en vacances avec sa petite-fille, Ladivine Rivière, appelons-la Ladivine jeune. Le premier personnage à apparaître est la fille de l'une, et donc la mère de l'autre : Clarisse, anciennement Malinka, qui s'est choisi une nouvelle identité, question de vie ou de mort. Dès l'adolescence, elle savait qu'elle devait rompre le tête-à-tête obligé : «Elle s'éloigna de sa mère, elle la renia face au monde, ne voyant pas d'autre issue pour elle-même.» Chaque mois, sans que personne n'en sache rien chez elle, Clarisse Rivière se rend en train à Bordeaux où vit Ladivine Sylla, sa mère. Aller et retour dans la journée. Elle ne lui a jamais dit qu'elle était mariée, sous un autre prénom, à un homme gentil, Richard Rivière, concessionnaire de voitures, et avait fondé une famille. «La mère de Malinka ne savait rien de Clarisse Rivière. Mais elle n'était pas si perdue qu'elle ignorât qu'elle ne