Un journaliste montréalais (Fabien Deglise) a proposé à des écrivains de rédiger des «nouvelles» de 140 signes : la vogue du tweet évidemment, mais aussi la vacance de la pensée qui sévit sur cette planète depuis environ vingt ans, et va s’aggravant.
Les résultats furent, entre autres :
«Il s’est réveillé plein de tristesse. On lui a dit : "T’es pas drôle." Le lendemain, un homme s’est réveillé plein de tristesse. C’était pas le même.» (Tahar Ben Jelloun)
«Il la croyait riche, douce et cultivée. Dès leur nuit de noces, il sut que c'était un homme pauvre, brutal et borné.» (Bernard Pivot, sous le titre Tragique méprise)
«Tandis qu’un caïman lui arrachait le bras, il dit : "Je suis gaucher !" pour prouver au saurien lequel des deux était l’animal à sang froid.» (Tonino Benacquista)
A notre tour, friands de littérature à contraintes, nous avons mis au défi quelques artistes de nous soumettre des fictions ultracourtes répondant à trois impératifs supplémentaires : raconter une saga familiale sur au moins cinq générations, rendre compte des récents acquis de l’anthropologie psychanalytique, enfin évoquer l’état d’esprit des chimpanzés de Jane Goodall quand celle-ci laisse tomber leurs bananes dans le poivre moulu.
Nous avons reçu ceci :
«Je veux bien que l'on fasse des commentaires sur les Mémoires de La Rochefoucauld, mais ceux de Johnny, je m'en tape.»(Michel Sardou). La phrase avait déjà servi : c'est en ces termes que Sardou a répondu, la semaine dernière, au Figaro