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Libération
Critique

Valse on the couch

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L’analyse de l’un des premiers patients américains de Freud, Abram Kardiner
publié le 13 février 2013 à 19h16

En 1922, Woody Allen n'est pas né et il y a dix psychanalystes à New York. L'un d'eux est Abram Kardiner, 30 ans, fils d'un tailleur ukrainien exilé. Sa petite enfance new-yorkaise, moitié Singer moitié Dickens, a été«un cauchemar incessant, marquée par la faim, le délaissement, l'impression de ne compter pour rien, un sentiment écrasant de découragement». Il a 3 ans quand sa mère meurt de la tuberculose. Il joue seul autour du cadavre, mais ne s'en souvient que plus tard, en 1921, lorsqu'il est analysé à Vienne par Freud. Kardiner est l'un de ses premiers patients étrangers. Son livre, écrit cinquante ans plus tard, décrit son analyse, l'évalue, et fait un portrait du grand homme précis, drôle, d'une splendide et intelligente bienveillance : on y est comme on est avec Jésus dans certains évangiles, l'humour viennois en plus.

Crachoir. Freud est-il un bon analyste ? «A dire les choses franchement, confie-t-il à Kardiner, les problèmes thérapeutiques ne m'intéressent pas beaucoup. Je suis à présent beaucoup trop impatient. Je souffre d'un certain nombre de handicaps qui m'empêchent d'être un grand analyste. Entre autres, je suis beaucoup trop un père. Deuxièmement, je m'occupe tout le temps de théorie, je m'en occupe beaucoup trop, si bien que les occasions qui se présentent me servent plus à travailler ma propre théorie qu'à faire attention aux questions de thérapie. Troisièmement, je n'ai plus la patience de garder