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Libération
Critique

Les enchantements de Rachid O.

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Le cahier Livres de Libédossier
Histoires marocaines de familles, d’honneur et d’«Analphabètes»
publié le 20 février 2013 à 19h06

Rachid O. n'avait pas publié de livre depuis dix ans, depuis Ce qui reste, et Analphabètes, son nouveau roman, porte la trace de cette longue absence. Il est à Marrakech, à l'hôtel Terminus des nomades, dont on le soupçonne d'avoir inventé le nom, près de la fameuse place Jemaa el-Fna, et il a du mal à écrire : «Les moments où j'ai pleuré devant Mathieu et Gaël parce que j'avais peur de ne plus jamais arriver à faire un livre, les deux me répondaient : "C'est faux, bien sûr que tu le feras." Alors je fouille dans une masse incroyable d'individus, de sensations, de notes et de souvenirs à la recherche de quelque chose.» En réalité, il n'a pas besoin de chercher, ou plutôt il a le génie de nous le faire croire : les histoires surgissent comme par enchantement.

Jardin public. Il fait très chaud ces matins-là, à Marrakech, dès le lever du soleil. Commençant sa journée à une terrasse de café, Rachid O. entend la conversation d'un garçon d'une vingtaine d'années avec deux femmes. «Elle ne veut pas me dire où est ma mère», dit le jeune homme. «C'est moi, ta mère», dit l'une des femmes. L'autre a «sa robe d'avocate pliée sur ses genoux». Il s'avère que la première a autrefois croisé la route d'une jeune fille enceinte dans un jardin public - «c'est notre jardin que tu adorais tant tout petit» -, et que celle-ci a proposé de donner son bébé une fois né. Ce qui fut fait, pour le plus gr