Il y avait du monde, en 1986, à l'enterrement de Simone de Beauvoir. Depuis, chaque publication de textes inédits montre que l'auteur de la Cérémonie des adieux est bien vivante, c'est-à-dire plus surprenante, faible, spontanée et contradictoire que ce que les autres en avaient sculpté. Les lecteurs posthumes sont des visiteurs du soir qui entendent battre le cœur dans la statue. Ils l'ont entendu dans Lettres à Sartre et Journal de guerre en 1990, Lettres à Nelson Algren en 1997, Cahiers de jeunesse en 2008. Les quelques textes également inédits qui figurent dans le numéro que l'Herne lui consacre, datent entre autres de la période de ces Cahiers. Ce sont d'une part des morceaux de romans, l'un achevé, l'autre pas ; d'autre part des documents, des lettres et traduction de conférences sur la littérature faites aux Etats-Unis.
Cigarette. Parmi les drôles de surprises, une lettre ironique de Claude Chabrol adaptant le Sang des autres en 1983 et quelques lettres du jeune Alain Badiou, que Beauvoir appelle dans la Force de l'âge «le normalien». On est en 1955, 1957. Badiou écrit un roman. Il la chicane sur son œuvre, sur celle de Sartre, et lui demande un rendez-vous. Il est déjà brillant, bavard et orgueilleux :«Si vous étiez tentée, par amabilité, de m'accorder une "rencontre" de quelques secondes, le temps de m'offrir une cigarette, je vous serais reconnaissant, mais je refuserais. Mieux vaudrait alors g