Le matin du deuxième jour, il y a eu une averse de grêle. En majorquin, et uniquement en majorquin, ça se dit calabruix. En catalan continental, c'est un autre mot, et en castillan aussi, évidemment. La nuit, le vent avait soufflé si fort que les pêcheurs n'avaient pas pu sortir. On est en février, mais José Carlos Llop prétend que c'est inhabituel. Normalement, l'hiver à Majorque est bien plus clément. Sinon, pourquoi donc, depuis des siècles, cette petite île de la Méditerranée attirerait-elle ces vagues successives d'artistes, écrivains et résidents fortunés venus chercher la dolce vita ?
La matinée est fraîche mais le soleil est revenu, et José Carlos Llop marche à grands pas, joyeux, volubile et érudit, élégant dans son manteau italien, balançant son parapluie et arpentant les rues de Palma, capitale des Baléares, comme les allées de son jardin. L'écrivain espagnol a 57 ans. Ses cinq romans ont été traduits en français (1), pas ses poèmes ni ses journaux. Il publie cette fois Dans la cité engloutie, un livre qui est à la fois récit de voyage et texte autobiographique, essai littéraire et sociologique, et qui compose une chronique mythique et intime de la ville qu'il a connue et qui n'est plus.
Intellectuels et aristocrates des années 1930, persécutés puis persécuteurs de la Deuxième Guerre mondiale, hippies et trafiquants, espions et pieds-noirs, marins de la VIe flotte américaine… Palma semble avoir vu passer tous les témoins de l'hi