Menu
Libération
Critique

Les taches de naissance du libéralisme

Article réservé aux abonnés
Dès le XVIIe siècle, l’idéologie justifie l’esclavagisme et la ségrégation, raciale ou sociale
publié le 6 mars 2013 à 19h06

Si le triomphe et les excès du marché sont souvent dénoncés, le libéralisme comme philosophie politique l'est beaucoup moins. Pour remettre les choses à l'endroit, ce livre décapant part d'un constat : les trois pays qui ont successivement produit les trois grandes révolutions libérales (Hollande, Angleterre, Etats-Unis) et qui incarnent au mieux dans leur histoire l'idée libérale sont aussi ceux qui ont été en pointe dans l'essor de l'esclavage sous sa forme la plus brutale. «Formulé correctement et dans toute sa radicalité, voici le paradoxe auquel nous sommes confrontés : la montée du libéralisme et la diffusion de l'esclavage-marchandise sur une base raciale sont le produit d'un accouchement gémellaire.» Ce constat est d'autant plus troublant que, comme le rappelle Domenico Losurdo, les inventeurs de la tradition libérale ont justifié sans hésitation l'esclavage. Le fondateur du droit naturel, Hugo Grotius, loue le peuple hollandais - le sien - pour sa résistance au pouvoir despotique du roi d'Espagne en 1609, mais il défend la traite et l'esclavage. Quant à Locke, ses Deux Traités du gouvernement jettent les bases de la philosophie politique de l'Angleterre libérale après la Glorious Revolution de 1688, mais il justifie l'expulsion des Indiens de leurs territoires et il est actionnaire de la Royal African Company, laquelle pratique la traite atlantique. Le recours à un esprit de l'époque admettant l'esclavage ne peut cependant pas être une explication