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Libération

L’école est finie

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Dans les archives de «Libé», il y a trente ans. Hergé meurt à 75 ans. Il était le père de Tintin, né en 1929. Des Picaros aux Soviets, du Tibet à la Lune, le jeune reporter va passer maître en histoire-géo, science et fiction pour mieux témoigner d’un siècle passionnant.
publié le 8 mars 2013 à 19h06

J’avais 4 ans et mon frère aîné ne faisait que m’embêter avec un langage dont j’ignorais tout. Quelque chose comme «Mille-sabords-tonnerre-de-Brest-et-Bachi-bouzouks», augmenté d’une rumeur de noms cliquetants : Haddock, Tournesol, les Dupondt («d» et «t»), la Castafiore, Milou et, le plus impayable de tous, Tin-Tin que j’entendais alors Pin-Pin. J’imaginais le pire, une planète interdite, des intrigues barbares dont je serais éternellement orphelin. Et puis un jour, j’accédais à la connaissance. Des albums durs, cartonnés, polychromes, un format géant pour un enfant, des couvertures dont l’image seule racontait déjà toute une histoire : les aventures de Tintin par Hergé.

Tintin-reporter : on a tout dit sur le rôle crapuleux de ce petit freluquet propret, courageux, entreprenant. Belge, raciste (indifféremment bwana, boula-matari, missié ou sahib), asexué (apparemment masculin avec sa houppette érigée), sans passion (fume pas, se drogue pas, boit pas). - Ah si : une fois, dans le Crabe aux pinces d'or.

Evidemment. Mais Tintin c’est surtout une formidable protestation contre l’éducation obligatoire, une manière de pédagogie sauvage pour des enfants-loups.

D'abord parce que Tintin ne raconte jamais à proprement parler une histoire mais seulement des petits fragments, des anecdotes minuscules parfois réduites à une seule cartouche, parfois étalées sur plusieurs pages, en tout cas isolées et capables de faire sauter la fameuse déductibilité de la narration, la continuité d