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Libération

Une infernale reproduction sociale

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Le cahier Livres de Libédossier
publié le 8 mars 2013 à 19h06

Longtemps, la France a aimé se regarder comme elle se voit. En grand et en modèle universel. S'il est un domaine où elle excelle, peut-être à l'égal de nos cousins d'Amérique, c'est bien dans l'art d'édifier des représentations d'elle-même. Elle sculpte ses propres légendes. Animée d'une vieille et dévorante passion égalitaire, elle a cru qu'il suffisait de mettre en scène le plus beau des slogans pour qu'il devienne réalité. Le retour au réel n'en est que plus violent. Dans le Destin au berceau , publié dans la collection de la République des idées, le sociologue Camille Peugny mène une minutieuse entreprise de démolition de l'un des mythes fondateurs de la France moderne.

L'ouvrage s'ouvre sur ce constat clinique : «Dans la France d'aujourd'hui, sept enfants de cadres sur dix exercent un emploi d'encadrement quelques années après la fin de leurs études ; à l'inverse, sept enfants d'ouvriers sur dix demeurent cantonnés à des emplois d'exécution. Plus de deux siècles après la Révolution, les conditions de naissance continuent à déterminer le destin des individus. On ne devient pas ouvrier, on naît ouvrier.» Chiffres en main, cohorte après cohorte, l'auteur donne les pièces accablantes d'un scandale français. Il dénonce «la faible attention» portée au thème de la reproduction sociale, l'aveuglement complice des politiques, mais aussi, plus justement, de la société elle-même qui, au fond, n'entend changer aucune des règles qu'elle s'est donné