Ce sont moins les conférences d'un jeune romancier italien que celles d'un vieil universitaire anglophone sur le romancier qu'il fut. Umberto Eco, Gargantua sémioticien, a 80 ans. Très inspiré par Borges, il explique une fois de plus, sans lésiner sur l'encyclopédisme didactique ni les longues citations de lui-même, comment il a écrit certains de ses livres (le Nom de la rose, le Pendule de Foucault, l'Ile du jour d'avant, Baudolino) ; quels rapports un auteur peut entretenir avec ses lecteurs ; l'étrange supériorité du héros de fiction sur le personnage historique ; sa passion oulipienne des listes et des listes de listes.
Eco se définit en auteur de best-sellers, non sans orgueil ni agressivité : «Je n'appartiens pas à la clique des mauvais écrivains qui prétendent n'écrire que pour eux-mêmes.» Avec ce genre de raisonnement, on finit par prétendre n'écrire que pour les autres et on devient responsable des lecteurs qu'on obtient - d'où ces phrases d'une admirable toute-puissance : «Un texte est une machine paresseuse qui exige des lecteurs qu'ils fassent une partie du travail», et «un dispositif conçu pour produire son lecteur modèle» - autrement dit, un bon élève.
Nombreux sont les écrivains qui rêvent ainsi de tout contrôler. Heureusement, les machines et les dispositifs sont faits, comme les trains, pour dérailler. Il est même possible que le génie d'un homme, quand il en a, se manifeste au moment où ça déraill