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Critique

Sarajevo mon amour

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Le cahier Livres de Libédossier
Tiphaine Samoyault partage «la honte» de ceux qui, nés après la guerre, s’exhibent sur des fronts éloignés pour se sentir exister
publié le 13 mars 2013 à 19h06

L'intellectuelle américaine Susan Sontag assignait aux membres de la corporation de nombreuses missions, dont celle de s'opposer au «nihilisme» ambiant. Elle l'avait dit en réponse à une enquête de la revue l'Infini, texte repris dans le recueil posthume Temps forts (Bourgois, 2005) : «Il y a eu un glissement décourageant dans les attitudes morales durant les vingt dernières années dans les pays capitalistes avancés. La marque de fabrique de ce glissement est le discrédit porté sur tous les idéalismes, sur l'altruisme lui-même, sur les critères supérieurs de toutes sortes, culturels aussi bien que moraux.»

Sontag, née en 1933, avait 60 ans lorsqu'elle est allée monter En attendant Godot à Sarajevo, en 1993. Tiphaine Samoyault, romancière, universitaire née en 1968, en a 27 quand elle vient enseigner le français dans la ville assiégée, en 1995. Elle est d'une génération qui a définitivement intégré la défiance à l'égard de l'altruisme. Elle ne se fait aucune illusion, elle sait qu'elle n'est pas là «par générosité ou don de soi», mais, au contraire, qu'on choisit ce genre d'aventure d'abord «pour soi-même». Sontag le savait aussi, mais «faire quelque chose pour» (pour la Bosnie hier, pour la Syrie aujourd'hui, ou n'importe quelle cause) était à porter au crédit de l'intellectuel engagé. C'était toujours mieux que ne rien faire du tout.

Bête de cirque, l'essai de Tiphaine Samoyault, est dédié à cette tâche é