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Libération

Turgescences sans plomb

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Le cahier Livres de Libédossier
publié le 13 mars 2013 à 19h06

Certains avaient pris ce concours pour une aimable excentricité anglaise, ils s'aperçoivent aujourd'hui que l'enjeu était rien moins que l'avenir de l'édition mondiale. Chaque année depuis 1993, la revue britannique Literary Review remet un Bad Sex in Fiction Award au romancier coupable de la pire scène de sexe. En décembre, beaucoup avaient espéré que J.K. Rowling - descendue de son balai pour immédiatement grimper aux rideaux - l'emporterait grâce à son splendide : «Il se souvenait de sa vulve rose, c'était comme si le père Noël venait d'apparaître au milieu de la pièce» (dans Une place à prendre). L'inflexible jury en a pourtant décidé autrement,préférant distinguer la Franco-Canadienne Nancy Huston et les images colorées qu'elle agite dans son dernier roman, Infrarouge. Extrait : «Je ne me fatiguerai jamais de cette fluidité argentée, mon sexe baignant dans la joie comme un poisson dans l'eau.» Mais peu importe le lauréat : l'objectif du prix est d'abord d'«attirer l'attention sur l'usage grossier, insipide et souvent routinier de passages redondants de description sexuelle dans le roman moderne, et de le décourager». Or cette mission tend à devenir essentielle.

Vingt ans après la création du Bad Sex Award, la moitié des librairies françaises seraient fermées si elles n’avaient en rayon les dizaines de nuances sadomaso d’E.L. James, et autres cochonneries généreusement tartinées sur le dos de l’actualité sexo-juridico-