J'ai retrouvé Brautigan. Depuis le temps qu'il rêvassait le cul vissé sur un tabouret de bar entre une geisha et un maneki neko, l'auteur de Tokyo-Montana Express s'est réincarné en Japonais sous le nom de Takahashi. Il n'est pas allé bien loin pour trouver ce nom : un tiers des Japonais s'appellent ainsi.
Voici une sorte d'Ecume des jours écrite à la mitraillette en plastique. Les mots giclent sous néon une poésie d'hémoglobine et de suspension à base stabilisatrice. Petits boulots, petits amours. Du trivial, du concret : de la matière pour le crématoire, s'est écrié Muto Sanji, assassiné. La mairie envoie un faire-part pour annoncer la mort prochaine de votre fillette de 5 ans. La fillette s'appelle Petit-Doigt-Vert. Vous l'encastrez au cimetière des enfants dans un mur. La mère la cherche dans le porte-parapluies, sort, part, ne revient pas. L'employée du cimetière, qui lit l'autobiographie de Warren Beatty, trouve un peu sentimental d'être accro à un nom. Moi aussi je suis un peu sentimental, parce que ça fait quinze pages que cette histoire m'arrache le cœur.
Prison. Genichiro Takahashi a 30 ans quand ce premier livre paraît, en 1982, et il a passé six mois en prison, alors qu' il était étudiant protestataire, et non gangster bidon. Je ne doute pas que durant ces six mois il ait beaucoup rêvé, de Babylone, des frigos qui se prennent pour Virgile, de Byron, d'Ovide, de mots simples, et de filles qui s'appellent «Livre-de-Chansons».
Les gangste