Menu
Libération
Critique

Migrants Croisée des fraternités

Article réservé aux abonnés
publié le 29 mars 2013 à 19h06

Depuis trente ans, Alain Tarrius suit les «migrants circulants» qui convoient des marchandises depuis le Golfe, la Turquie, le Caucase vers le Maroc ou l'Algérie, faisant étape à Marseille, Arles ou Nîmes, se jouant des frontières et des droits de douane. Ces «transmigrants» pratiquent un commerce qui ouvre l'immense marché des pauvres à des multinationales d'électronique peu regardantes sur ce canal d'accès atypique mais rentable. C'est «la mondialisation par le bas», du nom d'un des ouvrages majeurs de Tarrius. «Les compétences préparatoires à ces activités s'appellent : guerre, misère, débrouille, honneur, fraternité de route» , écrit le chercheur. Les relations entre circulants dépassent de loin les appartenances communautaires. Seule compte la parole donnée, fût-ce par Skype.

Dans ce dernier ouvrage, cosigné par Lamia Missaoui et Fatima Qacha, le sociologue dissèque les liens, qu’il a vu croître, entre ceux qui passent et les immigrés qui les accueillent à l’étape dans les cités de villes comme Arles, Nîmes ou Beaucaire. Ces voyageurs inspirent un nombre croissant de jeunes des cités qui veulent sortir du quartier en prenant la route à leur tour.

Les verbatims des transmigrants, livrés au long, valent la lecture à eux seuls. Mais les travaux de Tarrius sont mal servis par une édition universitaire qui ne rend pas justice à sa méthode d’immersion sur le terrain et aux récits de ces vies d’aventuriers, qu’il faudrait installer un