Histoire
Caroline Oudin-Bastide L'Effroi et la Terreur : esclavage, poison et sorcellerie aux Antilles
«C'est à son air, son regard, ses allures, son langage, que se trahit quelquefois un empoisonneur.» Parole de planteur ! Peu importe que les mélanges d'herbes, de racines, d'ongles et de poils préparés par les «sorciers» des Antilles françaises s'avèrent rarement toxiques. Imputé uniquement aux populations noires, le crime d'empoisonnement ne s'encombre pas de preuves : la mort brutale d'une bête de trait, un esclave pris de convulsions après que son maître a piqué le cœur de l'animal avec des clous, l'unanimisme de la vindicte populaire, suffisent à identifier les coupables. Entre le début du XVIIIe siècle et l'abolition de l'esclavage en 1848, le «poison» sème l'effroi dans les îles du Vent. En Martinique comme en Guadeloupe, les Blancs prêtent aux Nègres une force de nuisance fondée sur un mélange de magie et de science botanique occulte. «Que le danger perçu par les colons ait été véritable ou imaginaire, il est certain qu'ils le considèrent comme réel ; il fut alors réel dans ses conséquences», pose Caroline Oudin-Bastide. Spécialiste de l'histoire de l'esclavage aux Antilles françaises, l'auteure reconstitue la logique sociale de cette croyance partagée en un fléau surnaturel frappant les plantations. Son étude de cas, fort documentée, livre un examen sans précédent de la violence esclavagiste et