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Critique

Alejandra Pizarnik, pythie moderne

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Le cahier Livres de Libédossier
Les éditions Ypsilon entame la publication de l’œuvre complète de la poétesse argentine disparue en 1972
publié le 10 avril 2013 à 19h06

«Les métaphores d'asphyxie se dépouillent de leur suaire, le poème. La terreur est nommée avec en face le modèle, afin de ne pas se tromper.» Alejandra Pizarnik laisse sciemment les morceaux avariés gâter son poème. Le modèle est vicié, preuve qu'elle doit le racheter. Sinon rien : «CHERCHER - Ce n'est pas un verbe mais un vertige. Ça n'indique pas une action. Ça ne veut pas dire je vais à la rencontre de quelqu'un mais je suis gisante parce que quelqu'un ne vient pas.» Elle n'a pied que dans cette «urgence vide». Il lui faut donc céder à «une mise en scène de plus», faire semblant de croire à des «métaphores d'asphyxie» et prendre parfois un faux départ, comme au début de «La parole du désir» («Cette texture spectrale de l'obscurité, ces mélodies au fond des os», etc.) pour ensuite écrire vraiment : «Qu'est-ce que je suis en train de dire ? Il fait noir et je veux entrer. Je ne sais quoi dire d'autre. (Je ne veux pas dire, je veux entrer.)» Avant ce lieu, il y a un monde de métamorphoses qui exige de se faire «souffrir d'une manière aussi compliquée». Elle refait sur le papier les nœuds de cette «veille».

Failles. Figure majeure de la poésie argentine, suicidée en 1972, à 36 ans, Pizarnik est une sorte de Pythie moderne qui sape le mythe de l'inspiration. Mais ce n'est pas par défaut qu'elle consent à endurer l'attente, à