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Jean-Claude Monod se penche sur la «présence aux autres et à nous-mêmes» quand l’attention est sans cesse requise par les mails, les SMS ou les tweets
publié le 17 avril 2013 à 19h06

Emmanuel Levinas disait qu'adresser la parole à quelqu'un, c'est en faire, ne serait-ce qu'un instant, la personne la plus importante du monde. En négatif, cela se comprend : nous serions plus bas que terre si nul, jamais, ne s'adressait à nous. Perce aussitôt, dès lors, la valeur du «face à face», de l'échange de mots, d'arguments, de regards, de sourires, d'affects qui «isolent» du monde et font que deux êtres sont totalement et exclusivement «adonnés» l'un à l'autre (y compris pour se disputer). Sans doute faudrait-il ici faire référence à la «phénoménologie de l'appel et de la réponse» qui a été développée dans le sillage de Heidegger, notamment par Levinas, Jean-Louis Chrétien ou Jean-Luc Marion. Mais, «à un échelon mineur, celui d'une "petite morale" de la vie quotidienne», vient au contraire à l'esprit «une expérience aujourd'hui commune d'indélicatesse» : celle de «la "présence-absence" d'un convive ou d'un ami, voire d'un être aimé qui, alors qu'il nous "fait face", regarde sans cesse ses messages sur son téléphone portable».

Cantine. Cette expérience suggère que «la personne qui fait face ou est avec nous n'intéresse pas assez celui qui veut rester "connecté" en même temps à d'autres sources d'informations ou à d'autres conversations, relié à d'autres "amis", en contact avec un "ailleurs" qui l'amuse plus qu'"ici". Le problème étant bien souvent que dans cet "ailleurs", la même attitude s'